Par Solenn

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Dans un atelier de Frontignan, Jean-Louis Delorme façonne les matériaux comme d’autres racontent des histoires. À 70 ans, ce plasticien a fait un choix : créer pour sa ville, ses jouteurs, ses traditions. Des crèches monumentales dans la chapelle Saint-Jacques, des trophées remis aux vainqueurs du canal, des figurines qui capturent l’âme d’un territoire. Chez Jean-Louis, l’art se vit au quotidien, dans la rue, sur les murs, au cœur des fêtes. Un artiste qui sculpte la mémoire du bassin de Thau. 

1. UN ARTISTE ENRACINÉ

« À trois ans déjà, je prenais de la terre et je faisais des sujets ou je peignais », se souvient Jean-Louis. Cette vocation précoce ne l’a jamais quitté. Après les Beaux-Arts, plutôt que de suivre les chemins battus, il a choisi de revenir à Frontignan, d’y planter son atelier, d’y ancrer son travail. 

« Je ne suis ni peintre, ni sculpteur, je suis plasticien. » Une nuance qui explique tout : Jean-Louis travaille toutes les matières, recycle, transforme. Du papier journal pour créer de l’illusion, un caillou et de la mousse pour suggérer un paysage, du bois, de l’argile, de l’élastomère. « Je recycle énormément les choses. » 

À 70 ans, l’artiste continue de créer avec la même passion. « C’est le parcours qui compte. C’est le cumul de toutes mes expériences. » 

2. LE SCULPTEUR DES JOUTES LANGUEDOCIENNES

Sur les étagères de l’atelier, des jouteurs figés dans l’action, lance pointée, équilibre parfait sur la tintaine. Jean-Louis Delorme est devenu le sculpteur officiel des joutes de la région. Chaque année, il réalise les pavois, ces boucliers peints remis aux vainqueurs du tournoi du 14 juillet de Frontignan, et des trophées pour les sociétés de jouteurs. 

« J’emploie le terme de figurines et non pas de santons parce que je suis plus un sculpteur », explique-t-il en travaillant l’argile. Regardez ses mains modeler le corps d’un jouteur, chercher le mouvement juste. « Ce que je veux, c’est chercher le réalisme dans la connaissance. » 

Son processus est minutieux. Partir d’un original en argile, le mouler en élastomère, pouvoir le reproduire. « Une fois que la statuette existe, je joue avec mon couteau et ça va créer un personnage. » Chaque pièce est unique, jamais identique. « Tous mes personnages paraissent identiques, mais ils sont tous faits à l’unité. » 

3. LA CRÈCHE GÉANTE : UN THÉÂTRE DE FIGURES LOCALES

Mais c’est peut-être avec la crèche géante de la chapelle Saint-Jacques que Jean-Louis touche au plus profond de l’identité frontignanaise. Chaque année, « un peu comme le musée Grévin », il crée des santons grandeur nature moulés sur des personnes réelles. Le boulanger du coin, l’écaillère qui ouvre les huîtres, des figures emblématiques prennent place dans des décors renouvelés annuellement. 

« Je fais des santons sur les gens », dit-il simplement. Derrière cette apparente simplicité se cache un travail colossal. Des mois de préparation en secret, des personnages à mouler, à peindre, à mettre en scène. La crèche devient un véritable théâtre de la mémoire locale, où chaque Frontignanais peut reconnaître un visage familier. 

Cette « santonade » est devenue un rendez-vous annuel incontournable. Une œuvre vivante qui évolue et raconte l’histoire d’une ville à travers ses habitants. 

4. UN ÉMETTEUR D'IMAGINAIRE LOCAL

Jean-Louis Delorme ne crée pas dans la solitude. Il est ce qu’un documentaire a appelé « l’émetteur plasticien » : quelqu’un qui émet des images, des récits, des symboles qui irriguent toute une communauté. 

Les trophées remis aux jouteurs deviennent des totems. Les crèches transforment la chapelle en lieu de mémoire vivante. Les monuments rappellent l’importance des traditions. « Depuis des années, je travaille seulement dans la région », dit-il. Un choix assumé de mettre son art au service du territoire. 

Dans son atelier s’empilent d’autres créations : un jeu d’échecs où les pièces sont des barques de joute, un tableau en relief représentant l’écaillère devant son seau d’huîtres, une pêche miraculeuse sculptée. « Il y a aussi une extrême figuration, je suis très figuratif. » Chaque détail compte, chaque geste est capturé avec précision. « Ce qui me plaît, c’est le parcours », répète Jean-Louis. Le parcours d’une vie consacrée à sa ville, à ses habitants, à leurs traditions.  

Alors si vous passez à Frontignan, cherchez les traces de Jean-Louis Delorme. Dans la chapelle Saint-Jacques où trône sa crèche monumentale. Sur les murs où ses jouteurs semblent prêts à bondir. Dans les mains des vainqueurs qui brandissent ses pavois. Et peut-être, avec un peu de chance, poussez la porte de son atelier, là où l’argile attend de devenir mémoire. 

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